samedi 21 avril 2018

Grant Morrison présente Batman (tome 2) : "Batman R.I.P." (Urban Comics ; juillet 2012)

"Batman R.I.P.", sorti chez Urban Comics, est le deuxième volume des neuf (un porte le numéro zéro) d'une série consacrée à la période de Grant Morrison sur l'univers de Batman. Il s'ouvre sur des extraits des numéros 30 et 47 de "52" (respectivement novembre 2006 et mars 2007). Puis les épisodes VO #672-681 du mensuel "Batman" (février à octobre et décembre 2008). Un extrait du "DC Universe" #0 (juin 2008) s'intercale avant le nº676.
Morrison écrit tous les scénarios de la série régulière. Tony S. Daniel signe tous les dessins, sauf ceux du nº675, confiés à Ryan Benjamin. Outre Daniel, Jonathan Glapion, Mark Irwin, Saleem Crawford et (surtout) Sandu Florea encrent. Guy Major réalise la mise en couleurs. Les extraits ont été produits par divers artistes.

À l'issue du tome précédent, Batman, invité sur l'île de John Mayhew, contrecarre les plans du Gant noir de Hurt avec l'aide du Club des Héros. Après cela, il remet le Joker en cellule à Arkham.
Un an plus tôt. Bruce Wayne traverse le Rub al-Khali. Il est seul et à pied. Le soleil se couche. Une voix l'interpelle. Lorsqu'il demande qui est là, une silhouette encapuchonnée, un bandeau sur les yeux, mais un œil au bout de chaque doigt, lui répond narquoisement ; qu'a-t-il appris depuis leur dernière rencontre ? Wayne rétorque qu'il est malade et qu'il a perdu le feu sacré ; il affirme qu'il peut défaire l'inconnu malgré son état. Son adversaire dégaine un cimeterre et lui promet que si Bruce le bat, les chirurgiens à dix yeux du Quart vide viendront le guérir de ses démons. Sur ces mots, il se précipite sur Wayne tout en alternant encouragements, railleries et coups précis et douloureux. Alors que l'autre pense être en mesure de porter l'estocade finale, Wayne lui enroule les mains dans son turban et lui décoche un violent direct dans l'estomac. Il est vainqueur. D'autres membres de la Fraternité des Dix Yeux s'approchent de lui ; il attend son dû...

Morrison compresse certains événements vécus par le Chevalier noir dans les années cinquante et fait notamment intervenir le Batman de Zur-En-Arrh (créé dans le "Batman" #113 de février 1958) ou le lutin Bat-Mite ("Detective Comics" #267 de mai 1959). Il n'est pas essentiel de maîtriser la continuité du personnage. C'est ici que le concept de l'Über-Bat, "l'homme supérieur" (voir le dernier chapitre et la citation tirée du "Livre des Transformations", le Yi Jing), prend sa forme définitive. Le concept d'Über-Bat dépasse celui de "plus grand détective du monde". Avec l'Über-Bat, détenir des super-pouvoirs est-il encore nécessaire ? L'Über-Bat se plonge dans les méandres des âmes humaines les plus dérangées et les plus tourmentées pour mieux les appréhender. Il imagine tout, analyse tout, anticipe tout et ressort victorieux de toutes les épreuves - malgré les coups. Car des coups, Morrison en donne plus que sa part au Chevalier noir. Il le fait torturer. Il assaille sa santé mentale et s'acharne sur sa vie sentimentale. Véritables chantres du mal, le docteur Hurt (du Gant noir) et son Club des Vilains (création du scénariste) s'en prennent à la réputation jusqu'ici immaculée de la famille Wayne, dont le nom est traîné dans la boue. Mention spéciale à l'excellent Bossu et à la fascinante - et écœurante - déclaration qu'il adresse à un Joker inquiétant comme jamais. Enfin, l'auteur s'attaque au souvenir du père ainsi qu'à la famille de substitution (Alfred, Nightwing, Robin). Mais Morrison maîtrise l'art de l'inattendu ; il repousse les limites d'un héros qui ne cesse de surprendre dans un récit spectaculaire, violent, riche en action, en retournements de situations, et captivant malgré la narration qui cultive une certaine complexité de forme. Graphiquement, ces épisodes bénéficient du trait de Daniel, plein de vitalité. Son Batman est massif, musclé, puissant, et l'artiste parvient à faire émerger la sauvagerie et la bestialité du justicier dans quelques scènes bien choisies (l'effet est encore plus évident chez Benjamin). Daniel soigne ses dessins, offre des plans variés intégrés dans un découpage dynamique et moderne, et ne néglige pas ses fonds de cases ; Benjamin est moins méticuleux dans l'ensemble.
La traduction d'Alex Nikolavitch est parfois brillante, mais bâclée en quelques endroits et souillée par une demi-douzaine de fautes : des tournures maladroites, après que" suivi du subjonctif, etc. Il est improbable que le texte ait été relu. Déception !

Ce deuxième volet est à la hauteur du premier, voire au-delà, car la partie graphique est meilleure. C'est l'histoire passionnante du plan incroyable mis en œuvre par Hurt et son Gant noir pour briser Wayne et Batman, par le Mal pour briser la Justice.

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

3 commentaires:

  1. Ta présentation préliminaire me permet de voir qu'Urban a choisi d'ignorer les épisodes 670 & 671 qui s'inscrivent dans la résurrection de Ra's al Ghul.

    Avec le recul, c'est tout à l'honneur de Grant Morrison que de travailler avec des dessinateurs très typés comics de superhéros, et de réaliser de vrais histoires de superhéros, sans raillerie ni dérision.

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    1. Je dois dire qu'à la relecture, ces épisodes restent vraiment convaincants et très satisfaisants, malgré les tics d'écriture de Morrison. Je ne vais pas tarder à m'attaquer au troisième tome.
      J'ai vu qu'il allait s'attaquer à Green Lantern ; ça, ça m'intéresse !
      Au fait, as-tu lu le Green Lantern du Rebirth ?

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    2. Non, j'ai arrêté la lecture de Green Latern avec le départ de Geoff Johns, soit le tome 3 de la période New 52, après 10 ans de Geoff Johns et une centaine d'épisodes. Je n'ai pas eu envie d'y revenir depuis du fait des auteurs concernés. Bien sûr, l'arrivée de Grant Morrison va me faire revenir.

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